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Serge Gainsbourg : le poète noir de la scène française


Photo du photographe Claude Truong Ngoc


Ses paroles acerbes lui ont fait gagner le surnom de "Gainsbarre". Sur scène, Lucien Ginsburg n’est plus… C’est un homme brisé par la vie, parfois fortement alcoolisé, qui se livre à cœur ouvert.


Était-il provocateur ? À n’en point douter, celui que l’on connaît sous le nom de Serges Gainsbourg aimait bien choquer les personnes prudes. Cependant, malgré ses frasques, cet auteur-compositeur-interprète n’a jamais démérité. Artiste aux multiples talents, il a marqué la scène française en mal comme en bien…


Une venue au monde difficile

Les premières lignes de l’histoire de Serges Gainsbourg s’écrivent en Russie. C’est dans ce pays froid que son père, Joseph Ginsburg, fait la connaissance d’une jeune chanteuse à la voix suave. Après une cour assidue, Brucha Goda Besman lui dit oui et les deux convolent en justes noces le 18 juin 1918.

En 1919, afin d’échapper à la didacture bolchévique, le couple Besman pose ses valises en France, d’abord à Marseille, puis dans la cité capitale. Pour subvenir aux besoins du foyer, Joseph devient pianiste dans un bar tandis que Brucha chante au conservatoire.

Malgré des moments difficiles, la famille nage dans le bonheur. Fous rires et franches rigolades se font fréquemment entendre dans leur logis sis au 35, rue de la Chine.

En 1928, Olga tombe enceinte. Pour la jeune femme, c’est très loin d’être une bonne nouvelle… Se remettant à peine du décès de son fils survenu 6 ans plus tôt, elle doit aussi s’occuper à plein temps de sa fille de deux ans, Jacqueline. Pour l’immigrée russe, hors de question d’avoir d’autres enfants. Malheureusement pour cette dernière, toutes ses tentatives d’avortement seront vaines.

Le 02 avril 1928, elle donne naissance à des faux jumeaux, Liliane et Lucien, lequel deviendra plus tard Serges Gainsbourg. Le 9 juin 1932, toute la famille se voit officiellement attribuer la nationalité française.


Une enfance sous l’étoile de David


Passionné par les arts, son père s’évertue à lui transmettre sa passion. Malheureusement, le sort en décidera autrement… En 1941, le nazisme pousse la famille Ginsburg à se réfugier à Courguenard chez Baptiste et Irma Dumur.

En 1942, les juifs n’ayant plus accès aux métiers artistiques, son père est contraint à s’exiler en zone libre. En 1994, Olga et les enfants finissent par le rejoindre. Pendant la guerre, les fillettes sont placées au sein chez les religieuses du Sacré-Cœur de Limoges tandis que Lucien trouve refuge dans un pensionnat jésuite sous une fausse identité.

Pendant ce laps de temps, la famille Ginsburg se voit retirer sa nationalité française.

Une réadaptation extrêmement difficile

Une fois les armées hitlériennes vaincues, les Ginsburg rentrent à Paris. C’est au 55, avenue Bugeaud que la famille s’installe. Malheureusement, encore une fois, Dame fortune n’est pas du côté de Lucien… Hanté par les souvenirs de la guerre, le jeune homme a bien de la peine à rentrer dans les rangs.

Inscrit au lycée Cordoret, il abandonne les études avant d’avoir obtenu son bac. Amoureux du beau, il apprend les Beaux-Arts à l’académie de Montmarte mais n’ira pas jusqu’au bout. Néanmoins, le 5 mars 1947 sera pour lui un jour radieux… De fait, il rencontrera Élisabeth Levitsky, celle qui deviendra sa première compagne.

En 1948, Lucien Ginsbourg a 20 ans. Comme de rigueur à cette époque, il effectuera son service militaire. Rebelle, il passera plus de temps au trou dans les rangs des troupes. C’est à cette période qu’il apprendra à jouer de la guitare mais surtout, commencera à boire plus que de raison.


Des années jeunesse extrêmement difficiles

Lucien Ginsbourg aura bien de la peine à trouver son chemin… Jusqu’à ses trente ans, il survit de petits boulots et peine à joindre les deux bouts. Surveillant dans des établissements, professeurs d’art, peintre sans succès… Le trentenaire tâtonne encore dans ce monde parfois sans pitié.

En 1952, bien qu’issue d’une famille d’aristocrates, Élisabeth Levitsky accepte d’emménager avec lui dans une chambre à la Schola Cantorum de Paris. Derrière une porte de placard, les deux tourtereaux font une découverte qui va chambouler leur existence : une vue plongeante sur une salle de concert.

Bercé par les mélodies entraînantes du jazz, Lucien Ginsburg va peu à peu à se détourner de la peinture. En 1954, il devient crooner dans des cabarets et des pianos-bar. La même année, il commence à écrire des textes qu’il dépose à la Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique (SACEM) d’abord sous son nom puis une succession de pseudonymes.

Ce n’est qu’en avril 1957 qu’il liera définitivement son destin à l’alias Serges Gainsbourg.


Enfin, la chance sourit…

C’est en assistant à une représentation de Boris Vian que Gainsbourg définit son style. Il n’aura pas sa langue dans la poche et ses textes seront emplis de jeux de mots…

En 1957, poussé par Michèle Arnaud et Francis Claude, il interprète un titre qu’il a lui-même écrit : le poinçonneur de lilas. Séduit par le concept, Jacques Canetti, alors directeur du théâtre des Trois Baudets et directeur artistique chez Phillips, le prend sous son aile. Grâce à lui, il sera présent sur les tournées de Jacques Brel, Guy Béart, Raymond Devos et écrira pour de nombreux artistes.

Ravi de son succès, Serges Gainsbourg prend une décision radicale : détruire toutes ses anciennes toiles au grand dam de sa compagne. Pire encore… Il commence à collectionner les conquêtes féminines, un comportement qui poussera Élisabeth Levitsky à demander le divorce en octobre 1957.

Libre de tout engagement, Serges Gainsbourg peut désormais s’adonner à ses passions sans retenue. En 1958, il produit son premier album Du chant à la une ! qui ne rencontrera pas le succès public escompté. Deux ans plus tard, L'eau à la bouche, une chanson qu’il a été écrite lui assure son premier succès commercial. Ce sera le premier d’une très longue série…

Philippe Clay, Juliette Gréco, Petula Clark… Sa plume magnétique lui permet de travailler avec des artistes d’envergure. Cependant, c’est réellement en collaborant avec Françoise Hardy et France Gall que son talent sera reconnu de tous.


Et voilà Gainsbarre avec ses gros sabots noirs

Dans les années 80, les talents de compositeur de Gainsbourg lui permettent de vivre confortablement. Cependant, les vives critiques dont il est l’objet ont peu à peu raison de lui… Pour fuir ces énergies négatives, l’artiste se réfugie alors dans l’alcool, le tabac et le monde de la nuit.

En 1981, il donne un nom à cette facette de sa personnalité : Gainsbarre. Dans son album Mauvaises nouvelles des étoiles, le chanteur torturé dédie une mélodie entière à son alter ego diabolique. Ecce Hemo est un cri du cœur d’un homme qui se sait prisonnier de ses vices…

Sur les plateaux télé, Gainsbourg apparaît bouffi, mal rasé, des lunettes sur le visage et vêtu de pantalons déchirés. Pour Jane Birkin, l’actrice Française dont il partage la vie depuis dix ans, c’est la goutte de trop. Épuisée par ses frasques, elle finit par le quitter. Dans une interview, elle tiendra des propos alarmants : "j'avais beaucoup aimé Gainsbourg, mais j'avais peur de Gainsbarre".


La même année, Bambou, une mannequin Française de mère vietnamienne, devient la nouvelle muse du chanteur. La même année, il s’envole pour les Bahamas où il enregistre le titre Ecce Homo et cætera, une balade qui raconte la mort de Gainsbourg.

S’il est vrai que Gainsbourg était déjà bien connu du grand public, c’est un geste qu’il posa en 1984 qui resta gravé dans les mémoires. Le 11 mars 1984, alors qu’il est invité à l’émission 7 sur 7, il brûle un billet de 500 francs. Visiblement saoul, il marmonne une phrase incomplète au moment de son acte, prétextant dénoncer le capitaliste.

Encore aujourd’hui, ce moment reste l’un des plus impressionnants de la télévision française.

Déchaîné, Gainsbarre ne s’arrêtera pas là… En avril 1986, enivré au maximum, il déclare en public à Whitney Houston qu’il souhaite la combler de ses ardeurs. Outrée, la chanteuse alors âgée de 22 ans demande au présentateur Michel Drucker s’il est ivre, celui-ci répondra par des propos qui resteront dans les annales : "Non c'est son état normal, alors vous imaginez quand il est ivre !".

En 1989, il inclut une grande partie de ses titres dans le recueil intitulé de De Gainsbourg à Gainsbarre. S’ensuivra un voyage à New York au cours duquel il enregistrera ses deux derniers albums, à savoir Love on the Beat (1984) et You're Under Arrest (1987). En 1990, il écrira les paroles du deuxième album de Vanessa Paradis, lequel se vendra à 400 000 exemplaires en à peine quelques semaines.


Le 2 mars 1991, son cœur lâche, n’en pouvant plus de tous ses excès. Le 7 mars 1991, son corps est mis en terre au cimetière du Montparnasse. Aujourd’hui, sa sépulture est l’une des plus visitées. Un hommage bien mérité pour un artiste tourmenté mais ô combien talentueux.


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